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Les Cidérants Cidres

de Jacques Perritaz, servis par Alain Passard et René Redzepi



Il semblerait qu’il y ait une alchimie entre les créatifs, les garages et les pommes. Pour Steve Jobs, ça a donné Apple ; pour Jacques Perritaz, ce sera du cidre. En Suisse, cet ancien biologiste s’est formé en autodidacte (et notamment dans son garage donc) avant de fonder la Cidrerie du Vulcain. Le résultat, proche du vin voire du champagne nature, est renversant. Aujourd’hui, Jacques cultive plus de 150 variétés (dont certaines étaient totalement oubliées) dans la campagne de Fribourg. Ses grands crus, à base de pommes, poires ou coings ont séduit Alain Passard, Bertrand Grébaud ou encore René Redzepi.


Avant de tomber dans les pommes, Jacques Perritaz était biologiste, spécialisé dans la protection de l’environnement. C’est d’ailleurs au gré de ses mandats qu’il redécouvre un patrimoine fruitier suisse méconnu et oublié. Et puis, un jour, parce qu’il en a eu assez de dicter au lieu de faire, il s’est lui-même lancé dans la culture, dans la production et dans la valorisation. La fermentation, ce n’est pas nouveau pour lui. Cela fait longtemps qu’il s’intéresse au vin et à la magie de sa transformation.


Mais le cidre est une belle option, surtout dans sa région qui fourmille de vieux vergers de conservation. “A cette époque là, Fribourg est une région laitière qui rime juste avec gruyère”. Lui veut sauvegarder un patrimoine paysager et variétal. Avant, il y avait en Suisse une vraie tradition du cidre et de la pomme mais elle s’est perdue au profit de variétés plus rentables. “Plus rien ne se mettait en place autour de l’artisanat fruitier. J’ai eu envie de changer les choses pour donner de la valeur ajoutée à ces fruits ; et puis pour offrir des alternatives économiques à la région”.


À TÂTONS SUR LA FERMENTATION


Au début, il commence doucement en parallèle de son travail de biologiste. Et puis, de fil en aiguille, il monte des petits projets de transformation à façon pour les voisins, pour les amis de la région. Il fait son propre jus de pomme, il s’offre un pressoir, il monte une association et puis il “tâtonne” comme il dit. Avec ses expérimentations, il cherche à s’éloigner du classique jus de pommes pasteurisé ou du vin de pomme suisse-allemand “dur et sucré”. Tout y passe : la fermentation, la mousse, le sucre résiduel…

En tant que biologiste, Jacques a quand même un bagage théorique. Mais en pratique, la valise est légère. Pourtant, rapidement, l’expérience, les stages, les lectures lui permettent de progresser. Les échanges aussi, comme avec Eric Bordelet, maestro des cidres de gastronomie et notamment de poirés, tous conçus sur une logique œnologique de grands vins. Ce dernier l’incite à se lancer à son tour avec ses variétés, son style, son terroir. Bref comme il le dit lui-même, son expertise s’est forgée par l’approche “sensuelle et expérimentale du processus”

CIDRERIE DU VULCAIN


Les premiers essais commencent en 2000. Et avant de lâcher complètement son job de biologiste, ce sont presque quinze ans qui s’écoulent. Au début, Jacques est SVF, Sans Verger Fixe. Il achète les fruits aux quatres coins de Fribourg, allant jusqu’à cueillir, trier voire nettoyer les pommes de ses voisins. Il veut sentir, voir, tâter les fruits lui-même. Il déniche un premier local et fonde la Cidrerie du Vulcain. Avec le soutien de Slow Food, il finit par louer un verger puis par replanter quatre hectares de variétés anciennes à Rue (canton de Fribourg).


Certains plants viennent de Fribourg, d’autres de Bretagne mais aussi de Normandie, d’Allemagne ou encore de Russie. Et puis, en 2013 donc, il saute le pas et se lance à 200% dans la cidriculture suite à un salon de vin nature où il est exposé. En cause ? Une forte demande à l’export contrairement à la Suisse où il peine à vendre à l’époque. Pire, on lui rabat constamment les oreilles avec le mantra cidre-breton-crêpes.




50 à 100 VARIÉTÉS POUR UNE CUVÉE


Désormais, Jacques Perritaz cultive plus de 150 variétés anciennes de coing, poires et pommes bien sûr, aux doux noms vintage : la pomme de fer (ou Bohnapfel), la transparente, la rose de Thorny, la reinette ananas… On y observe une quinzaine de variétés dominantes. “Le reste, c’est du test avec 5 à 10 pieds que je surgreffe si ça ne marche pas bien”. Et parce que «la pomme parfaite n’existe pas», il expérimente des assemblages. «Il est difficile de cumuler en une espèce de pommes toutes les qualités intéressantes. Certaines sont incroyables, comme la tobiasloch de Thurgovie, qui développe des arômes de miel, d’épices, safran ou girofle, mais elle manque d’acidité. Il faut compenser avec d’autres sortes, afin d’équilibrer tanins et acidité.» confie t-il à un journal suisse.


Certaines de ses cuvées invitent cinquante à cent variétés ; par expérimentation mais aussi parce que le verger est encore jeune et les récoltes parfois trop faibles. Tout y est travaillé en bio, sans aucun traitement. Entre les plants de pommes et de poires, on déniche les coings. Une manière 100% naturelle pour désorienter les ravageurs tandis que les coccinelles et autres insectes s’occupent des pucerons.

UN AN DE CIDRES

Hors récoltes, Jacques travaille seul. Début août, il met en place le matériel de récolte, le pressoir, etc. Mi-août c’est la cueillette des premières poires précoces. Ensuite, c’est “le rush” jusqu’à fin octobre. L’arrivée des fruits, le pressage, les premières fermentations, les suivis, la filtration. Le gros des récoltes intervient courant octobre pour se calmer vers la mi-novembre : certaines variétés tardives pointent leur nez jusqu’aux premiers gels. En janvier, c’est la mise en bouteille qui occupe jusqu’à la mi-février. L’hiver laisse place à l’échange de bons procédés : on appelle les propriétaires de petits vergers pour leur proposer la taille contre le fruit. Début avril, il passe au travail du champ avec le suivi des floraisons et le broyage de l’herbe.

Sur l’élaboration maintenant : chaque cidre est un pur jus issu de fruits bio, fermenté sur levures indigènes, avec quelques filtrations légères. Selon les cuvées, Jacques n’ajoute pas ou peu de sulfites à la mise en bouteille. Quant à la prise de mousse, elle est naturelle sans ajout de gaz carbonique. Sur ce point, ça part en envolée lyrique (et surtout technique) : débourbage enzymatique, gélification des pectines, filtration sur terre blanche. Bref, depuis vingt ans, le bonhomme ne rigole pas sur la pratique. Lui même décrit sa démarche comme professionnelle, technicienne avec une dégustation au cœur du travail.


“UN GRAND VIN PÉTILLANT”

Dans les 40'000 bouteilles annuelles qu’il produit figurent 8 cuvées différentes. “J’essaye de faire des cuvée reproductibles tous les deux ans avec des pommes achetées en Suisse ; et puis, sur mon verger, j’ai envie de choses plus extrêmes. Des choses plus typées, un brut un peu amer qui n’existe pas en Suisse. En fait, j’aimerais faire quelque chose à la bretonne mais sur un terroir suisse”. Aujourd’hui, Jacques a fini par conquérir la Suisse et son réseau de revendeurs et de cavistes. Certains des sommeliers les plus influents du monde ont qualifié certaines de ses cuvées comme “l’un des plus grands vins pétillants” qu’ils aient pu goûter. Mais surtout, ses créations se retrouvent sur de grandes tables gastronomiques comme au Royal Savoy à Lausanne, mais aussi à Paris, à New York, à Tokyo, ou encore au célèbre Noma de Copenhague. Bientôt sur la vôtre ?

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