
Les cidres de glace
d'Apple des Cimes servis par Laurent Petit & le sommelier de Paul Bocuse
Depuis plus de huit ans, Apple des Cimes (association de six amis épicuriens), donne vie à La Pomme Givrée inspirée des “Cidres de glace” canadiens. Proche des vins liquoreux, ce flacon a déjà séduit de nombreux étoilés (La Villa Madie à Cassis mais aussi le sommelier du restaurant Paul Bocuse).
En vente sur le Club MoiChef :
Présentation du producteur :
Apple des Cimes, c'est l'histoire pas banale de six potes. Six passionnés de goût, de vin et de bonnes bouffes. “Il y a Isabelle et Christian qu’on connaît depuis 25 ans et Yann, le neveu d’une copine avec sa femme Anne. Et puis Claudine et moi” énumère Philippe Rostain, seul salarié à mi-temps de cette affaire de copains. Il y a dix ans, en voyage au Canada, Isabelle et Christian dénichent un “Cidre de Glace”, une spécialité à base de pommes gelées et cueillies par -15°. Qui n’a de cidre que le nom puisqu’il s’agit plutôt d’un vin de pommes.
Dans les Hautes-Alpes, où ils vivent tous les six, on ne manque pas de bons produits… et on ne manque pas de “super pommes” : ils se lancent donc dans la confection de leur propre breuvage. Et ça non plus, ce n’est pas banal : il y a dix ans, le liquoreux de pommes, ce n’est pas le tube de l’été. Et le cidre de glace, personne ne connaît. Néanmoins, s’ils n’ont pas le froid polaire canadien avec eux, ils ont l’altitude qui réussit particulièrement aux fruits de montagne grâce aux larges amplitudes thermiques entre le jour et la nuit. Les grosses chaleurs journalières font grimper le taux de sucre tandis que la froideur de la nuit bloque la dégradation des acides. En somme, la pomme conserve la même courbe de sucre tout en gardant ses acides.
REINETTE BLANCHE
Mais l’atout principal de la bande, c’est la présence de Yann dans leur rang, un viticulteur à tendance MacGyver, bien connu dans la région : c’est lui qui se chargera de la vinification. Pendant deux-trois ans, ils enchaînent les tests à la maison… et les expériences plus ou moins réussies : “les canadiens avaient oublié de mettre la recette sur la bouteille” résume Philippe en riant. Déjà, il faut trouver la bonne variété : ce sera la Reinette blanche, travaillée dans le verger de leur village de La-Roche-des-Arnauds, perché à 1000 mètres d’altitude.
“On avait envie de se démarquer de la variété canadienne, un peu trop sucrée pour nous. La Reinette, elle est aromatique mais elle reste acidulée et goûteuse. Le seul problème, c’est qu’elle est de plus en plus délaissée, au profit de la Golden ou de la Fuji. Alors, on bichonne notre arboriculteur, qui a eu le label bio en 2020”.
Et puis il y a la première année où ils testent un produit 0 sulfite. Sauf que dans ce premier essai, il y avait aussi 180 g de sucre par litre, autrement dit, il suffisait d’une levure qui traîne pour que la fermentation reprenne…. Et ça n’a pas manqué, avec une explosion des bouteilles couchées à la clé. Plus récemment, ça a été le coup de la cuve remplie de 200 litres de leur meilleur jus, renversée par accident. Bref, les déboires (presque) obligatoires qui accompagnent la création d’un nouveau produit.

GIVRÉE, RÔTIE & ORIENTALE
Cela ne les empêche pas de présenter une première quille à des amis restaurateurs et cavistes, fin 2012. Ces derniers valident la démarche et la bande vend sa première centaine de bouteilles, avant une commercialisation officielle en 2014. Depuis, les cuvées se sont enchaînées. Et la gamme s’est diversifiée : il y a d’abord eu la Pomme Givrée, puis la Pomme Rôtie. Suivies de près par l’Orientale (“à la maison, on cultive du safran, donc on a tenté un assemblage avec la pomme. ”) et la Givre & Coing (“Yann est fan de coing donc on a lancé cette cuvée en 2016”).
La cueillette, quasiment mono-variétale, se fait tardivement, à la fin octobre. “Il faut trouver un compromis pour toucher la pleine maturité des pommes, sans tomber dans le côté farineux”. Un peu après, vient le tri puis le pressage des pommes, effectué dans les chais de Yann, au Domaine du Petit Août (Théus). En général, la récolte donne 12 à 13 tonnes à presser. Car les recettes sont gourmandes en pommes : il en faut 4 kg pour obtenir une bouteille de 35 cl donc environ 10 pour un litre. Elles sont ensuite mises à décanter (on retire les déchets du pressage) pour éviter un quelconque trouble dans le jus. Pour l’Orientale et la Givrée, vient ensuite la phase de cryoconcentration.
FERMENTATION FAÇON JURANÇON
Derrière ce terme un peu barbare, se cache le procédé suivant : les jus clarifiés sont passés à -20° pendant au moins deux semaines. “L’eau contenue dans le jus va former des cristaux de glace, qui seront ensuite éliminés. Le jus restant, sept fois plus concentré, conserve également tous les arômes, les sucres et les acides de la pomme”. Pour la Pomme Rôtie, on part du même jus clarifié initial… mais on le cuit par basse pression atmosphérique (pour ne pas brûler les arômes). Un procédé inverse qui amène pourtant au même jus concentré. “Givrée et Rôtie, ce sont un peu le Ying et le Yang” sourit Philippe. Dans les deux cas, le précieux nectar récupéré sera mis à fermenter durant 15 semaines, à la manière d’une liqueur ou d’un Sauternes. Pour Philippe, l’équilibre est “proche d’un Jurançon”, riche en sucre mais aussi très acide avec une teneur en alcool à 11°.
Mais à la différence de certains liquoreux, les six copains ont choisi de pratiquer une micro-filtration très serrée avant la mise en bouteille, pour éviter que les levures repassent en fermentation. Cela leur permet également de proposer une bouteille au taux de sulfites inférieur à la plupart des liquoreux bio. Chaque année, ce sont donc quatre cuvées qui sont mises en bouteilles au mois d’avril, soit environ 4 000 à 5 000 flacons.
PAUL BOCUSE & VERGER CONSERVATOIRE
Depuis 10 ans, le réseau de distribution s’est étoffé avec une présence chez des cavistes de Marseille jusqu’à Annecy. Surtout, elles sont servies sur de nombreuses tables étoilées : La Villa Madie, doublement étoilée à Cassis mais aussi le restaurant Paul Bocuse où le sommelier Eric Goetelmann propose La Pomme Givrée sur un foie gras au pain d’épices et en accord sucré. La bouteille arrivera même jusqu’à la table de l’Elysée, validée par Guillaume Gomez, le chef des cuisines présidentielles et recevra deux ans de suite une médaille d'or au concours des Vinalies internationales. Et puis, validation suprême, ils ont eu de “supers retours” de nombreux binômes canadiens, faiseurs de “Cidre de Glace”. Depuis quelques mois, la petite bande essaye de travailler la poire. Mais il est peut-être plus facile d’être une bonne poire que d’en trouver une : pour l’instant, il leur manque encore la variété magique, suffisamment acide. Par ailleurs, ils ont repris depuis peu un verger conservatoire (sorte de lieu de “mémoire” et de conservation de variétés anciennes de fruits). Après l’avoir remis en culture, ils s’occupent désormais de la taille et vont cultiver en bio ces 220 arbres. Apple des Cimes n’a donc pas fini de nous faire tourner la tête.
SUR LE CLUB
Pour les membres du Club, l’autre club des six a sélectionné la Pomme Givrée, la Pomme Rôtie, la Givre & Coing et l’Orientale (dans laquelle du safran macère durant trois semaines, avant la mise en bouteille). Pour déguster votre Pomme Givrée, n’attendez pas l’heure du dessert : chez Paul Bocuse, on la sert donc sur un foie gras mais de nombreux amateurs la conseillent également sur un camembert au lait cru ou sur des poissons, comme le saumon. “L’acidulé va bien se marier avec le gras” explique Philippe. Néanmoins, vous pouvez en remettre une couche pour le dessert, notamment sur une glace ou une tarte tatin. Quant à l’Orientale, Philippe l’adore sur un tajine d’agneau auquel elle donne une réelle complexité grâce au retour aromatique du safran.