
Il y a dix-sept ans, Emmanuel Camut découvre le véritable vinaigre balsamique traditionnel et décide de se lancer dans une recette toute personnelle… à base de cidre. Il pratique un vieillissement selon la méthode Solera (ou réserve perpétuelle) : ainsi chacun de ses vinaigres balsamiques de cidre contient une part de vinaigre ayant vieilli en fût jusqu’à 12 ans. Alain Passard lui-même a succombé alors on voit mal pourquoi vous passeriez à côté.
En vente sur le Club MoiChef :
Présentation du producteur :
C’est lors d’un voyage en Italie qu’Emmanuel tombe amoureux du vinaigre balsamique. “Mais attention, le vrai : rien à voir avec celui de merde qu’on trouve partout en grande surface !”. En préambule, il faut expliquer que la qualification de « vinaigre balsamique » n’est pas protégée : on peut ainsi la voir fleurir presque partout dans le monde. Même en Italie, plus de 95 millions de litres de vinaigres de vin industriels (fourrés au caramel et parfumés au moût de raisin) profitent de l’appellation - malgré l’indication géographique protégée (IGP) adoptée en 2009. Ainsi, si vous êtes en quête d’authenticité, il vous faudra guetter la mention “vinaigre balsamique traditionnel”, seule gardienne de la provenance Modène (ou de sa ville rivale, Reggio Emilia).
Depuis 1986, un consortium très rigoureux a été mis en place tandis que chacune des deux villes a défini un strict cahier des charges : pour obtenir la suprême labellisation, le vinaigre ne doit contenir ni additif, ni conservateur et sûrement pas un gramme de caramel ou de colorant. Autre fait notable : le vinaigre balsamique est unique, il ne ressemble à aucun autre. Ainsi, pour concevoir un vinaigre de vin, l’ingrédient initial, c’est… le vin. Pour le balsamique, on utilise du moût de raisin qui est ensuite cuit 72h à très lente ébullition. Objectif ? Obtenir une concentration qui a perdu jusqu’à 70% de son volume. Résultat ? Un sirop brun, sucré et parfumé. Ce dernier est transvasé dans des fûts de première qualité aux multiples essences (chêne rouge, acacia, genévrier, etc…) pour apporter une complexité aromatique et favoriser le vieillissement.
Côté évaporation, on oublie la cave pour lui préférer un grenier bien aéré, soumis aux fortes variations de températures. Durant douze ans, le vinaigre fera la connaissance de chacun des fûts, au moins 5, rangés dans l’ordre décroissant. Dans le plus grand (60 litres), on retrouve le vinaigre le plus jeune tandis que le plus petit (entre 15 et 20 litres) détient le plus vieux. Quand, au bout de douze ans, ce dernier est prêt à délivrer son précieux nectar, une partie est prélevée pour abreuver les bouteilles destinées à la vente. Le résultat doit être goûté et approuvé par un jury pour obtenir son certificat.
RÉSERVE PERPÉTUELLE
Pour combler le manque dans le fût de 12 ans, on compense avec du vinaigre situé dans le tonneau qui le précède, gardien d’un élixir un peu plus jeune. Et ainsi de suite jusqu’au plus grand. Qui sera lui-même nourri au moût de l’année : ce roulement est aussi appelé méthode Solera (ou réserve perpétuelle). Pour résumer : une fois embouteillé, un vrai vinaigre balsamique ne doit contenir qu’un moût de raisin cuit et fermenté, vieilli au moins douze ans. Côté visuel et gustatif, quelques astuces pour différencier l’industriel du “tradi” : le premier est plutôt clair et liquide avec un arrière-goût caramel quand le second arbore une couleur noire intense avec des notes de bois, de raisin ou encore de vanille.
Dernier indice, la contenance, toujours constante : 10 centilitres ou “2000 gouttes” comme dit Emmanuel. Précision néanmoins importante car “une seule goutte suffit pour agrémenter un plat”. Du côté de la Botte, on se délecte d’ailleurs de cette goutte dans une cuillère d’argent ou bien délicatement déposée sur un parmesan. C’est d’ailleurs cette “recette” qui aura séduit Emmanuel ; au point de se lancer dans la création de son propre vinaigre balsamique… de cidre ! Une aventure qui va fêter ses dix-huit ans cette année.

TOMBÉ DANS LES POMMES
“On peut faire du vinaigre avec tous les fruits… du moment qu’il y a du sucre !” nous explique Emmanuel ! Néanmoins, s’il troque le raisin contre la pomme, ce n’est pas (que) par amour du challenge. Dans la famille Camut, on fait du calvados depuis plusieurs générations : Adrien, le grand-père, fut d’ailleurs l’un des premiers à élever le breuvage au rang des eaux-de-vie nobles. “Le calvados, on continue de le produire comme lui : de la façon la plus naturelle et biologique possible. Dans notre verger, il n’y a ni pesticides, ni engrais artificiel ; dans notre calvados, il n’y a pas de sulfites. Un produit sain pour l’humain qui le produit, pour les animaux aux alentours et pour les consommateurs”.
Comme dans tout ce qu’il entreprend, Emmanuel privilégie la qualité à la productivité. La fabrication de son vinaigre balsamique de cidre ne fera pas exception. Comme pour son calvados, Emmanuel veut choisir les meilleures variétés de pommes… qui ne sont pas forcément celles affichant le meilleur rendement, ni les plus sucrées. “Pour leur moût, les italiens utilisent une variété de raisins qui font 17% de sucres alors qu’ici les pommes n’en produisent que 5%”. Il faudra donc 3 fois plus de concentration : pendant des mois, Emmanuel se rend en Italie pour observer le processus et joue au petit chimiste.
DIX ANS D'EXPÉRIMENTATIONS
“Au début, je me suis arraché les cheveux… c’est peut-être pour ça que je n’en ai plus !”.
Indéniablement, pour faire du vinaigre balsamique, il faut être patient : il lui faudra par exemple presque huit ans pour arriver au premier résultat probant, celui qui fait lâcher un “Eurêka, c’est ça !” salvateur. Il faut être résilient aussi : après presque dix ans “d’expérimentations”, Emmanuel perd un fût de 150 litres en route... si près du but ! Enfin, pour produire du vinaigre balsamique, il ne faut pas être cupide : il y a quinze ans, lorsqu’il a démarré cette activité -en parallèle du calvados- Emmanuel protégeait jalousement son idée. D’autres ont essayé de se lancer en effet… pour bien vite renoncer. La matière première (une tonne de pommes permet d’obtenir seulement 70 litres de jus), l’investissement financier et personnel ont eu raison de leur motivation. Mais Emmanuel est comme son vinaigre balsamique : unique et atypique.
Après tant d’années, la flamme est intacte quand il s’agit de décrire la fermentation alcoolique, acétique et le passionnant travail des levures. Il a beau être normand, Emmanuel ne compte pas sur ce vinaigre pour faire son beurre. “Même si je ne le vends jamais, je me serais beaucoup amusé” affirme t-il tout en se désolant de la société actuelle où “seul l’argent compte” et où de fait, les véritables vinaigres balsamiques ne représentent plus que 0,01% de leur catégorie.
Toujours optimiste, il souligne qu’il peut bien vendre à perte, il a gagné une reconnaissance qui n’a pas de prix : Alain Passard lui-même utilise son vinaigre dans sa cuisine. Par ailleurs, depuis trois ans, Emmanuel s’est lancé dans un nouveau projet : son propre rhum. Il fait venir des mélasses de Martinique, qu’il dilue avant de l’envoyer en fermentation puis en distillation. Encore un produit 100% naturel qu’on espère vous proposer très bientôt sur le Club !
SUR LE CLUB
Comme pour le vinaigre balsamique de Modène, les bouteilles d’Emmanuel affichent 10 cl au compteur. Pour les membres du Club, il vous propose une bouteille, soit 2000 gouttes de bonheur. Un véritable condiment donc, à utiliser avec parcimonie (rappelez-vous, une goutte suffit) sur des fraises des bois, des coquilles Saint-Jacques, des rougets, des poireaux ou encore du parmesan, donc. Dernière expérimentation d’Emmanuel : une association vinaigre-pamplemousse vivement recommandée. On attend les vôtres avec impatience.