
Yannick Alléno fait partie du cercle très fermé des plus grands chefs du monde. Il est aussi le seul chef français à la tête de deux restaurants couronnés par trois étoiles Michelin.
Le 8 novembre, Yannick Alléno vous a dévoilé son nouveau dada (en exclusivité et en direct du Pavillon Ledoyen) : le chocolat. Ainsi, les membres du Club MoiChef présents ce soir-là ont été les premiers gourmets français à pouvoir y goûter. Lors de cette vente, vous serez les premiers gourmets français à pouvoir... commander ces chocolats puisque la boutique de Yannick Alléno et Aurélien Rivoire n'ouvrira que le 16 décembre !
En vente sur le Club MoiChef :
Présentation du producteur :
Yannick Alléno est né à Puteaux en 1968. Et il ne troquerait ses cinquante ans pour rien au monde. Fréquemment, nous posons la colle suivante aux chefs : “Imaginez que nous ayons une baguette magique qui vous téléporte dans vingt ans. Que faites-vous ?” Certains sont dans un transat, d’autres encore aux fourneaux. En tout cas, tous prennent le temps de réfléchir. Pas Yannick Alléno qui n’a pas traîné pour nous dire de ranger vite fait notre baguette. Et puis qu’on aurait qu’à la ressortir dans 20 ans pour le ramener pile à cet instant. “Moi, je vis dans le présent et je kiffe. J'ai envie de profiter de la vie, de rencontrer des gens hyper intéressants, des producteurs incroyables, goûter des vins fantastiques, bref je n’ai pas envie d’être dans vingt ans”. On le comprend d’ailleurs. Lorsqu’on l’a interviewé, il venait d’ouvrir dix jours auparavant Pavyllon, son tout dernier restaurant parisien - déjà encensé par les critiques. Et puis Yannick Alléno est enfin chez lui : à Paris déjà, dans cette ville et ce terroir qu’il chérit depuis toujours. Au Pavillon Ledoyen surtout, cette maison qui représente “le combat de sa vie”. Car avant d’obtenir sa deuxième distinction des trois étoiles MICHELIN en 2014, il y a eu du boulot : “3000m2 de travaux. Tout était pourri, il y avait des fuites partout. Cette maison avait été usée jusqu'à la corde”. Elle est prête, désormais, pour voir se succéder la dynastie Alléno, lui qui rêve d’une histoire familiale à la Bras, Troisgros ou Roellinger.
Tel un phénix
Oui, cette maison, il l’a aussi construite pour ses fils Thomas - “un commercial hors pair” et Antoine, chef de partie “à la Tour Eiffel”, au Jules Verne chez Frédéric Anton. Un investissement sur l’avenir quand le jour sera venu pour eux “de reprendre les clés”. Mais on a dit qu’on ne parlait plus d’avenir. Alors, on continue nos questions étranges. Un changement récent ? “J’ai arrêté le gluten. Et pourtant, j’adorais le pain: une baguette à chaque repas !”. Puis de souligner que la nature nous rappelle aujourd’hui les bêtises d’hier. “Je sais que ce n’est pas évident pour tout le monde, mais je pense qu’il faut montrer aux gens qui nous nourrissent qu’ils ne peuvent plus faire n’importe quoi”. Un échec qui s’est révélé positif ? “J’ai l’impression d’être chez Fogiel !” nous dit-il en riant. Des échecs, il en a eu plein mais “il y a deux façons de les vivre”. En 1999, il participe au célèbre concours du Bocuse d’Or. En tant que premier français finaliste, la pression est au rendez-vous… Il ne décrochera que l’argent mais développe une philosophie en or. “Je crois que la vie s’apparente à un sport de self-défense japonais : il faut savoir transformer une énergie négative pour avancer”. En même temps, sur ce coup-là, il ne perd pas au change : “Pendant le concours, Paul Bocuse m’a repéré et m’a pris sous son aile. Je n’ai pas eu la première place mais j’ai gagné Paul et une amitié extraordinaire”. Même deux puisqu’il est également resté très proche du vainqueur. Fairplay la mentalité karaté. Et sinon, que fait un chef triplement étoilé quand il se sent débordé ? “Je réorganise !” Sa période de vide, il l’a eue avant de quitter le Meurice, en 2013. “Les clients continuaient de me féliciter mais je savais que la cuisine que je donnais était dépassée. C’est un drôle de sentiment.” Pendant quelques temps, il s’isole au 1947 à Cheval Blanc Courchevel, pour se retrouver et travailler loin du monde parisien, de la concurrence... et des critiques aussi. “On me croyait fini mais je suis revenu encore plus fort”. En 2014, le phénix Alléno fait son grand retour au Pavillon Ledoyen.
Extractions & fermentations
Six mois après l’ouverture, il décroche trois étoiles MICHELIN, pour la seconde fois de sa vie et en parallèle de Courchevel. Sa pause, salvatrice, a déclenché une épiphanie qui a changé sa vie : la (re)découverte des sauces. Oubliées voire sacrifiées selon lui par souci d’économies et de légèreté, elles sont pourtant “l’identité de la cuisine française” s’anime t-il, intarissable sur le sujet. Pour preuve, il évoque “Le guide culinaire”, livre de référence signé Auguste Escoffier, “roi des cuisiniers”. “En introduction, on y trouve 70 pages sur les sauces, indispensables pour comprendre les mille qui vont suivre”. Cette lecture va pousser Yannick Alléno à écrire son propre ouvrage “Sauces : réflexions d’un cuisinier” où il consigne ses recherches et explorations. C’est également là qu’il décrypte sa plus grande trouvaille : les extractions. “Ça fait un peu dentiste mais il s’agit en fait de cuire les aliments séparément, à leur juste température” nous explique t-il. Et de nous donner un exemple avec le céleri dont le “goût parfait” se mérite après 12 heures de cuisson à 83 degrés. Grâce à la cryo-concentration (dont on se passera chez le dentiste cette fois-ci), un jus est obtenu : non pas sous l'effet trop destructeur de la chaleur, mais sous celui du froid. Un coup de centrifugeuse donne enfin vie à un “bouillon réduit”, à l’intensité exceptionnelle. Depuis, le chef a mis au point plus de 500 extractions (légumes, crustacés, viandes) qu’il assemble entre elles pour créer des sauces “modernes” puissantes, minérales et légères. Désormais, il se penche sur le berceau de la fermentation, seule manière selon lui de “déguster la profondeur d'un produit». Qu’importe si Yannick Alléno ne veut pas parler du futur, une chose est pourtant sûre : à l’image de ses fermentations, sa cuisine se sublime avec le temps.

Du chocolat de cuistots
Sauce, extractions et fermentations ? Une transition logique vers le chocolat sur lequel il a commencé à fondre quelques neurones avec Aurélien Rivoire, son fidèle chef pâtissier du restaurant Ledoyen. «C’est très difficile de créer la surprise à partir d’un produit que tout le monde connaît. Et que beaucoup travaillent déjà à la perfection techniquement. Mais nous avons l’insolence de vouloir proposer un plaisir nouveau, quelque chose que nous n’avions jamais goûté jusque-là» précise ce dernier. Le chocolat était aussi une suite logique à son immense travail effectué sur les confits de fruits.
Pour leur première collection de chocolats, Aurélien Rivoire utilise ainsi une technique mise au point dans son laboratoire au Pavillon Ledoyen. Cette dernière consiste à laisser les fruits confire le temps nécessaire pour obtenir la juste dose de saveur sucrée. Le pâtissier utilise également de l’eau de bouleau -et non de la cassonade dont la teneuse en saccharose bride les arômes du fruit- pour parfaire les recettes de leurs bouchées chocolatées. Les deux compères promettent donc des «chocolats dix fois moins sucrés que les traditionnels». Dans cette quête du moins de sucre, les compères entendent évidemment n'utiliser que des fruits de saison. Et bien sûr, en pleine maturité, au pic de leur sucrosité, pour obtenir une concentration inédite de goûts… plutôt que de sourcer un produit à 70% de sa maturité et le sucrer jusqu’à ce qu’il confise «artificiellement ».
Par ailleurs, les deux têtes chercheuses annoncent avoir changé 80% de l'intérieur d'un chocolat pour proposer une toute nouvelle expérience gustative. Ainsi, la crème non plus ne fera pas partie de la liste des ingrédients et pour s’en passer, les deux chefs s'appuieront sur leur savoir-faire en matière de sauces, d’extractions à froid, de cuissons longues -ou à basse température- pour proposer des «chocolats frais». Comprendre, par exemple, des ganaches à déguster dans les trois semaines maximum.
Entre les deux confinements, Alléno et Rivoire ont multiplié les essais, les recherches, les créations (jusqu’à affiner encore leurs réflexions le soir de notre venue au Pavillon Ledoyen). Et gardent à l’esprit la philosophie Alléno sur les sauces. «Depuis le Moyen-Age, chacune des grandes étapes qu’a franchies notre gastronomie s’est accompagnée d’un progrès saucier. Les sauces sont le verbe de la cuisine française, et s’appliquent aussi à la pâtisserie. Elles traduisent tout simplement l’évolution des goûts. Notre chocolat est aujourd’hui une illustration inédite de nos avancées culinaires en la matière » raconte le chef. À coup sûr, vous serez surpris de déguster le stick praliné, dont le coeur devient tendre et complexe ou encore le stick à la pistache, travaillé à partir d’une version salée d’apéritif pour une texture et une longueur en bouche inédites.